La stratégie de Toyota en matière environnementale – entretien avec Steve Hope

La stratégie de Toyota en matière environnementale – entretien avec Steve Hope

Steve-HopeTraduction de l’entretien de Steve Hope, Directeur Général en charge des Affaires Environnementales et de la Responsabilité Sociétale chez Toyota Motor Europe avec Kelly Singer, Directrice de l’Institut Lean Green et membre de l’Institut Lean France. Entretien initialement paru en anglais sur Planet-Lean.com

INTERVIEW – Il peut sembler paradoxal que ce soit le premier constructeur automobile mondial qui montre la voie de la responsabilité sociétale des entreprises et du développement durable. Là comme dans de nombreux domaines, Toyota donne l’exemple.

Kelly Singer : Décrivez-nous votre parcours.

Steve Hope : J’ai rejoint Toyota Motor Manufacturing UK en 1991, lorsque nous avons commencé la construction de la première usine de production des véhicules Toyota en Europe. Mon premier poste était celui de Directeur des Installations et de l’Environnement. Pendant 15 ans j’ai évolué dans différents rôles en ayant toujours pour objectif d’améliorer nos performances et de réduire notre impact environnemental. Cela m’a permis de rejoindre Toyota Motor Europe (basé à Bruxelles) où j’ai eu un poste similaire au sein du réseau de production alors en croissance. Je suis responsable des Affaires Environnementales et de la RSE depuis 2012. Avec mon équipe, notre rôle est de sensibiliser et de favoriser l’amélioration des performances à travers toutes les activités de fabrication, vente et après-vente en Europe.

KS : Quand est-ce que Toyota a commencé à penser à l’environnement ?

SH : L’histoire de Toyota, en matière environnementale remonte à loin. En voici certains des premiers jalons :

  • 1963 : création du premier Conseil de Production et d’Environnement de Toyota
  • 1973 : premier Mois de promotion de l’Environnement
  • 1992 : adoption des principes de référence et de la Charte de la Terre ; fondation du Conseil de l’Environnement pour l’ensemble de l’entreprise
  • Mise en place du premier Plan d’Action pour l’Environnement à moyen terme
  • Toyota UK était le premier constructeur de voitures au Royaume-Uni à certifier son Système de Management Environnemental par la norme ISO 14001
  • 1997 : mise en place du sous-comité de l’Evaluation du Cycle de Vie de Toyota

Le succès de nos actions environnementales dans la durée s’explique par ses liens avec l’histoire de l’entreprise, son ADN, ses principes et sa vision à long terme. Le graphique suivant représente très bien notre philosophie environnementale :

toyota-values

KS : En plus de la politique environnementale, est-ce que Toyota espère atteindre d’autres objectifs liés à l’environnement ? 

SH : Oui. En 2015 nous nous sommes fixés 6 Défis Environnementaux à relever avant 2050. Notre but est de réduire autant que possible l’impact écologique de la production et de la circulation automobiles sur la société et l’environnement mais aussi de produire de l’impact purement positif. Nous nous attaquons aux Défis Environnementaux avec la même rigueur qu’à tout autre défi car nous sommes persuadés que cela peut avoir des effets positifs et parce que cela semble évident du point de vue du business. Voici le graphique illustrant les 6 Défis en détails (la version intégrale est ici).

 

toyota environmental challenge 2050

KS : Comment Toyota intègre-t-elle les Défis dans la totalité de la chaine de valeur ? 

SH: Toyota travaille avec les chaines de valeur de l’amont à l’aval en partageant l’expérience, le savoir, les techniques et les meilleures pratiques avec ses partenaires. Notre but est d’avoir une vision à 360 degrés : non seulement de prendre en compte le cycle de vie d’un véhicule mais également de voir comment cette approche circulaire peut continuer tout au long des cycles de vie successifs.

Ces Défis sont tellement complexes qu’un secteur ou une entreprise ne peut pas les relever seul dans son coin. Nous avons besoin non seulement de partenaires mais aussi de collaborations multiples entre industrie, gouvernements et société civile. Par exemple, la création d’infrastructures adaptées au développement des véhicules à hydrogène exige une collaboration entre fournisseurs d’énergies, distributeurs, Etat, collectivités, et utilisateurs. Dans cette optique, Toyota a rendu publics 5600 brevets relatifs à cette technologie que n’importe quelle entreprise peut utiliser librement.

Nous souhaitons bien sûr systématiquement réduire notre empreinte écologique directe mais également partager nos technologies et notre savoir avec la société au sens large. Le bénéfice indirect global est encore plus important.

KS : Quelle place les Défis Environnementaux occupent-ils dans la philosophie de Toyota à long terme ?

SH : Il est évident que la société est confrontée à de nombreux défis. Pour se dire durable, une entreprise doit incorporer dans sa philosophie et sa stratégie de long terme les défis sociétaux mondiaux.

Les Défis Environnementaux 2050 de Toyota adressent les problèmes qu’il faut résoudre dans ce délai. Nous avons concentré nos efforts sur les domaines où nous savons que notre contribution peut avoir un impact très important : émissions de CO2, changement climatique, pollution de l’air et de l’eau, l’utilisation des ressources, le recyclage (l’économie circulaire) ainsi que le travail en harmonie avec la nature.

La vision de la société idéale de 2050 permet à Toyota de faire du « backcasting » (prévisions à l’envers) pour fixer des objectifs intermédiaires et de prioriser les actions à mener.

KS : Aujourd’hui la plupart des grandes organisations multinationales ont pour objectif la réduction des émissions de CO2, des gaspillages de l’eau et la mise en décharge des déchets. Le 6ème Défi de Toyota – Construire une Société de Futur en Harmonie avec l’Environnement est quant à lui, unique. Comment identifiez-vous les pistes pour répondre à ce défi ?

SH : Effectivement ce défi peut paraître surprenant pour une entreprise de notre secteur. Cependant, chez Toyota nous avons toujours à l’esprit que l’impact environnemental de certains de nos produits est potentiellement négatif.

Nous voulons réduire ces impacts. Nous essayons d’avoir une approche créative avec les sites opérationnels de notre réseau direct et avec ceux de nos partenaires, pour exploiter les ressources naturelles (comme l’énergie et l’eau) de manière durable et promouvoir la conservation et le développement de la biodiversité à travers le programme Greenways. Nos sites peuvent ainsi construire des espaces verts qui s’inscrivent dans des réseaux étendus et des corridors biologiques faisant partie d’un paysage plus vaste.

Grâce à nos partenariats à travers l’Europe nous encourageons l’éducation des enfants à la biodiversité. Enfin, Toyota apporte un large soutien aux organisations spécialisées avec le Today for Tomorrow Programme. Nous choisissons des partenaires spécialisés dans leurs domaines – l’IUCN qui recense les espèces menacées, le WWF qui travaille sur le caoutchouc durable et autres.

KS : Comment est-ce que Toyota engage ses employées à penser et agir de façon durable ?

SH : Lors des échanges en interne, nous appliquons notre approche maison : le Toyota Way. Nous pensons qu’il faut d’abord amener à la prise de conscience pour favoriser la compréhension puis l’engagement et l’action. Pour ce faire, l’éducation et la mise en perspective par rapport à son propre contexte et à son travail quotidien (qu’est-ce qu’il y a là-dedans pour moi ?) est déterminante. Cela passe par un mix entre formation classique, e-learning, partage des savoirs et la campagne « Green Month ».  Ces activités favorisent l’intégration des objectifs environnementaux et des actions de planification dans les processus opérationnels normaux.

KS : Quel rôle joue la direction dans le déploiement international des Défis Environnementaux ?

Le rôle des dirigeants de Toyota est bien évidemment crucial. Ce sont eux qui ont demandé de développer cette vision à long terme. Ils étaient également impliqués dans la conception, à l’échelle de l’entreprise des accords nécessaires pour faire face à ces défis. Enfin, ils partagent notre vision avec les parties prenantes du monde entier.

Cela assure la cohérence de l’approche et permet de définir les priorités en cas de directions ou objectifs contradictoires. L’engagement personnel des dirigeants est connu et reconnu à l’intérieur et à l’extérieur de Toyota.

KS : Un autre objectif impressionnant est le Défi 2 : éliminer les émissions de CO2 des cycles de vie de chaque activité.  Demander à la chaine de valeurs entière d’être sobre en carbone pourrait sembler plus atteignable compte tenu de la taille et de l’influence de Toyota. Pensez-vous que les petites entreprises puissent relever un tel défi ?

SH : Chaque entreprise, quelle que soit sa taille, pourrait et devrait s’attaquer au problème. La taille et l’influence d’une entreprise mondiale telle que la nôtre donnent de la visibilité au Défi mais est variable selon les régions du monde (nos parts de marché ne sont pas les mêmes partout). Pour la mise en place des actions positives dans la chaîne de valeur, l’important ce n’est pas la taille de l’action mais le cumul des petites contributions. (Par exemple, l’implantation des solutions à faible consommation d’énergie, comme la mise en place d’éclairage LED, l’énergie verte ou l’utilisation croissante des matières recyclées dans les produits). Mises en place au bon moment et avec une planification préalable, toutes ces mesures peuvent être à la fois rentables et bénéfiques pour l’environnement.

KS : Quel est votre rêve le plus fou concernant les Défis Environnementaux ? Quelle serait la preuve que Toyota est sur le bon chemin d’ici 2020? 

SH : J’aimerais que la voiture Mirai Fuel Cell Hybrid (Jim Womack parle de son voyage en Mirai et de Lean & Green ici) soit perçue par les prochaines générations comme le point de départ de l’ère post-carburants traditionnels, pour que l’on crée un monde qui adopte l’hydrogène comme un élément significatif et complémentaire à l’infrastructure énergétique de demain. J’espère que cela ouvrira la porte aux énergies à la fois faciles d’accès et sans émission de CO2. Ce serait une réponse à de nombreux besoins de la société : mobilité personnelle, transport en commun, processus industriels et utilisation domestique qui sont couverts aujourd’hui par les énergies non renouvelables.

J’aimerais également que l’on prenne systématiquement en compte toutes les étapes d’un cycle de vie : planification, production, livraison, utilisation et récupération des produits à la fin de leur vie afin de rendre la mobilité personnelle et l’entreprise Toyota véritablement durables.

 

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