Recycler les invendus ? Mieux vaut le juste-à-temps !

Recycler les invendus ? Mieux vaut le juste-à-temps !

Le gouvernement élabore une loi sur l’économie circulaire, qui notamment interdira la destruction des produits non vendus. C’est un phénomène de grande ampleur : aujourd’hui en France, près de 800 millions d’euros de produits non alimentaires neufs et invendus sont détruits chaque année (source).

La loi imposera désormais de les donner, réemployer, réutiliser ou recycler. C’est fort bien, car en ces temps où la sauvegarde de notre planète devient une préoccupation majeure, jeter un produit non vendu, c’est jeter des ressources inutilement consommées : matières premières, énergie, travail du personnel, consommables (huiles…), traitement des déchets, espaces de stockage…
Mais c’est moins bien toutefois que de ne pas fabriquer ces produits inutiles en premier lieu !

La réponse de fond à cette problématique exige de s’intéresser à la cause racine de ces gaspillages. Que se passe-t-il sur le terrain ?
Pour assurer des livraisons rapides à leurs clients, les entreprises font le choix de prendre de l’avance en constituant des stocks de produits finis. En effet, produire sans avance, juste au bon moment, semble bien dangereux : il y a tant de risques dans nos processus de fabrication qui pourraient nous mettre en retard et nous faire manquer l’échéance. Mais dans un monde de plus en plus incertain et volatile, il est difficile de prévoir exactement ce que les clients vont vouloir acheter, dans quelle quantité et à quel moment. Bien souvent, les clients eux-mêmes changent d’avis au dernier moment.

Cette réponse traditionnelle entraîne des surcoûts : qui dit stocks dit argent immobilisé, besoins de zones de stockage, de moyens de manutention, de moyens de gestion, d’inventaires, de risques d’obsolescence…

Cette approche est donc coûteuse, et elle s’avère bien souvent illusoire. La mise en place de ces stocks permet de ne pas avoir à traiter les causes des difficultés, aussi ces problèmes restent présents et finissent par dépasser un jour ou l’autre la digue protectrice mise en place.

C’est ce qu’avait pu démontrer objectivement le PDG d’un groupe international avec de nombreux sites de fabrication (voir graphe ci-dessous). En demandant à chaque usine de documenter deux indicateurs : le niveau des stocks et le taux de respect des livraisons client (On Time Delivery), il s’était rendu compte que les sites ayant des difficultés à livrer correctement leurs clients avaient paradoxalement des stocks élevés. Comme quoi les stocks ne nous protègent que bien imparfaitement des problèmes non traités. C’est le phénomène que l’on a également tous vécu en production : “on a plein de produits, mais jamais les bons !”

Pour répondre au défi de la satisfaction client sur l’aspect délais et disponibilité produit, le Lean propose une autre approche : le Juste-à-Temps, permis par le kanban. Plutôt que de produire en avance ‘au cas où un client en aurait besoin’, il s’agit de s’efforcer de s’approcher de l’idéal où l’on sera capable à chaque instant de produire uniquement LE produit exact souhaité, au moment attendu, dans la quantité voulue, dans le délai le plus court possible et parfaitement maîtrisé.

Bien sûr, cela est exigeant. Quelques exemples :
– pour faire les bons choix de programmation, faire moins d’erreurs de prévisions, fabriquer le produit attendu, il faut mieux connaitre son client, ses besoins, ses modes d’utilisation et de consommation, les raisons de ses variabilités…. Bref, il faut lui parler et apprendre à coopérer avec lui.
– pour pouvoir produire juste la quantité demandée, il faut un processus de fabrication flexible permettant dans l’idéal de travailler de manière efficiente à l’unité. Il faut simplifier et rendre robustes les changements de séries, développer les opérateurs pour qu’ils soient autonomes sur le sujet.
– pour produire à l’heure, il faut maîtriser parfaitement le temps de fabrication, donc éliminer toutes les sources de variabilité : problèmes de disponibilité machine, qualité des composants, fiabilité de livraison des fournisseurs, formation des opérationnels, disponibilité immédiate des fonctions supports en cas d’obstacle…

C’est pourquoi le choix du Juste-à-Temps n’est pas seulement une décision opérationnelle : c’est un choix stratégique. Ce n’est pas le choix de ce qui marche, de ce qui est confortable. C’est le choix de ce qui oblige à réfléchir, de l’amélioration et du développement des collaborateurs. C’est le choix d’un système qui va mettre à nu toutes les difficultés de l’entreprise à maîtriser parfaitement son outil industriel, qui va exiger que les acteurs s’en saisissent, réfléchissent, et trouvent les moyens de les surmonter.

C’est ainsi, dans l’exemple cité plus haut, que les usines avec les stocks les plus faibles sont celles qui affichent la meilleure performance de livraison. Ne plus s’abriter derrière les stocks, traiter les problèmes, améliorer la performance, développer et engager les collaborateurs : voilà ce qui protège réellement le client.

La loi de l’économie circulaire est donc une belle opportunité. Espérons qu’elle provoquera une prise de conscience chez de nombreuses entreprises françaises, et les poussera à s’engager sur la voie de la vraie performance : la voie du Juste-à-Temps !

Christophe Richard

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