Le vent a tourné pour les startups. Il n’est plus aussi aisé qu’il y a quelques années de lever des fonds pour concrétiser son idée : pour satisfaire les investisseurs, il faut une rentabilité rapide et des taux de croissance toujours plus élevés. Dans les périodes de ralentissement, les dirigeants doivent trouver des moyens de relancer les ventes tout de suite, mais comment s’y prendre ?
Sur le terrain, c’est la situation à laquelle est confrontée la CEO d’une startup high-tech qui se trouve à un carrefour décisif de son histoire : après sept années de croissance fulgurante grâce à ses trois produits phares, les revenus stagnent et la rentabilité est de nouveau dans le rouge. La CEO est devenue la cible des investisseurs, subissant une pression intense pour relancer les ventes et rétablir l’équilibre financier. Plusieurs managers sont licenciés, y compris le directeur des ventes. À ce stade, la CEO n’a d’autre choix que de retourner sur le terrain pour signer de nouveaux contrats, faute de quoi elle pourrait perdre son poste. Elle prend la tête de l’équipe commerciale, ce qui lui permet de relancer les ventes à court terme pour rassurer les investisseurs.
Mais en interagissant avec les prospects et les équipes de vente, elle réalise que les commerciaux rencontrent des difficultés à promouvoir les produits existants. Elle est à la fois frustrée par leurs maladresses et préoccupée de constater que les produits ne trouvent plus preneurs aussi facilement.
Ce n’est pas un cas isolé, et c’est le moment de prendre de la hauteur. Toute entreprise est soumise à ce que les auteurs de la Stratégie Lean appellent “la loi d’airain du scale” (the Iron Law) :
Au stade initial de la start-up, le travail commercial et le travail sur le produit se fait en étroite collaboration : on cherche chaque jour le « sweet spot » pour satisfaire les clients, c’est une question de vie ou de mort. Une fois que l’on trouve son marché, on s’organise pour accélérer : c’est le stade de la scale-up. On crée alors des structures tayloristes, parce que c’est ce que l’on sait faire : des gens qui pensent, des gens qui font, et des gens qui administrent. Le fondateur s’éloigne du terrain et privilégie l’exploitation maximale du produit qui a si bien fonctionné durant les premières années. Après tout, la conception de produits est en premier lieu un coût. Souvent, le fondateur se désengage des ventes car il est occupé à mettre en place une équipe de direction capable de prendre la relève – une transition qui s’avère souvent douloureuse. Quand le marché s’épuise, l’entreprise atteint un plateau : il faut alors relancer la croissance, une étape qui n’est jamais aisée. C’est à ce stade que nombre d’entreprises échouent : elles se retrouvent enlisées dans leur propre système rigide, c’est la phase du « slowdown ».
Quelle est la meilleure voie à suivre pour relancer la croissance ? Renforcer l’équipe commerciale et intensifier les stratégies de « up sell » et de « cross sell » pour maximiser l’exploitation des produits actuels ? Abandonner les produits en perte de vitesse et concentrer les efforts sur le produit phare pour réduire les coûts ? Explorer de nouveaux marchés, y compris à l’étranger, pour continuer à développer notre produit, sachant que l’expansion internationale est complexe et onéreuse ? Ou bien lancer un nouveau produit pour diversifier l’offre, en gardant à l’esprit que le retour sur investissement ne sera pas immédiat ? Créer un nouveau produit qui répétera le succès du premier peut sembler intimidant. Certains entrepreneurs, fatigués après des années de lutte, ont du mal à trouver l’énergie nécessaire pour explorer de nouvelles voies. Ils recherchent avant tout la stabilité et préfèrent convaincre un public encore plus vaste d’adopter leur produit actuel.
Notre CEO, elle, est persuadée que la baisse des ventes est due au fait que les commerciaux ne parviennent pas à convaincre les prospects qu’ils ont un problème dont leur produit est la solution. Elle ne voit pas – ou ne veut pas voir – que son produit phare occasionne des centaines de tickets de support, que les clients se plaignent de la complexité du produit, et qu’ils commencent à chercher des alternatives. Elle est trop occupée à stimuler les ventes en mettant en place des solutions pour pousser les prospects à essayer le produit, avec par exemple des clauses permettant d’annuler le contrat après une période d’essai, ou une offre de création de prototypes personnalisés et gratuits. Mais sans surprise, elle finit par réaliser que malgré un pic de ventes à court terme, les clients se désengagent rapidement et la dynamique commerciale finit par s’essouffler. Pire, les nombreuses ristournes utilisées par les commerciaux pour stimuler les ventes et atteindre leurs objectifs ont porté un sérieux coup à la rentabilité.
Pour stimuler la croissance, faut-il investir dans les produits ou développer la capacité commerciale ? Les deux sont cruciaux, bien sûr. Cependant, concentrer tous les efforts sur le volet commercial n’offre qu’un bol d’air éphémère. L’investissement continu dans les produits demeure essentiel pour garantir une croissance durable. Mais il est essentiel de le faire de manière avisée : créer des produits génériques sans une compréhension approfondie des problèmes des clients et de l’évolution du marché n’est pas une stratégie viable. Comment s’en sortir ?
La stratégie lean consiste à penser en gamme de produits. Une gamme étendue permet aux clients de trouver ce dont ils ont besoin ou ce qu’ils désirent parmi l’ensemble des produits de la marque, favorisant ainsi la fidélisation : « One time-customer, life-time customer ». Plutôt que d’exploiter chaque produit jusqu’à ce que l’entreprise soit en danger, il s’agit d’avancer en même temps sur le commercial et le produit en mettant sur le marché, à un rythme régulier, de nouveaux produits qui gardent l’entreprise au premier plan des préoccupations des clients.
Le secret de la croissance, ce n’est pas une collection d’astuces commerciales à court terme. C’est une stratégie dans laquelle l’activité commerciale et l’évolution des produits sont en interaction permanente, pour faire évoluer une gamme qui donne encore et encore envie aux clients d’acheter. Pour aller vite et loin, il faut arrêter de sautiller à cloche-pied : il faut se remettre à marcher sur ses deux pieds.
Sandrine Olivencia
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