Il n’y a pas de fatalité, il n’y a que de nouveaux problèmes à explorer

Il n’y a pas de fatalité, il n’y a que de nouveaux problèmes à explorer

La planète brûle. La guerre fait rage. L’extrême droite monte dans toutes les démocraties, quand ce ne sont pas les autocrates qui prennent le pouvoir. L’inflation réapparait. Les supply chains continuent de tousser. Difficile d’aborder la rentrée sereinement ! Et pourtant, la promesse du lean reste la même : si nous forgeons un consensus sur nos problèmes et collaborons à les résoudre, les choses iront mieux. Les pessimistes diront que ce n’est pas facile de voir ce que « mieux » veut dire dans ce contexte – mais c’est bien là le point. « Mieux » peut-être inattendu, nouveau, surprenant. Le pire est facile à prévoir, mais jamais certain – c’est précisément en cherchant les problèmes et en les résolvant qu’on fait face aux vraies difficultés et qu’on construit… mieux.

Mais pour cela il faut commencer par aborder la véritable révolution mentale du lean : changer de raisonnement, en passant « d’activités pour atteindre (peut-être) des objectifs » à « comprendre les problèmes pour tenter des contremesures – et comprendre le problème plus en profondeur. » Respirez profondément et prenez une minute pour lister toutes les activités que votre société a entrepris depuis le début de l’année qui non seulement n’atteignent pas les objectifs prévus mais en plus sont la source de gaspillages en temps et budget et de pertes en énergie et motivation sans fin.

Certes, il est tentant de se jeter sur des activités pour atteindre… quoi exactement ? Oui, il est possible de faire rouler les voitures au tout électrique – et ? On peut bien sûr interdire l’avion – et ? Quel problème exactement est-on en train de résoudre ?

Notre société est fondée sur l’utilisation de machines qui permettent de démultiplier le travail humain de matière spectaculaire – votre voiture, votre machine à laver, votre smartphone, etc. Ces machines sont elles-mêmes fabriquées avec des machines, et ainsi de suite. Toutes ces machines fonctionnent grâce à de l’énergie abondante et le problème incontournable est qu’il s’agit très largement d’énergies non renouvelables : elles épuisent les sols, contribuent à l’effet de serre lors de leur extraction et combustion, et génèrent nombre de résidus polluants. Le problème est de réduire la consommation d’énergie non renouvelables – pas simple !

Que pouvons-nous faire pour chercher un mieux ? Fabriquer plus de batteries à partir d’électricité produite par plus d’éoliennes ? Le bilan final sur la consommation d’énergies non renouvelables et/ou de minerais rares est loin d’être clair. Toutefois, nous pouvons réfléchir en termes lean de gaspillages – d’activités qui ne sont pas nécessaires. À quels types de gaspillages évidents contribuons nous tous ?

1. Quand nous remplaçons une machine : faire durer sa voiture ou sa cafetière un an de plus repousse d’autant la consommation d’énergie et de matière pour la produire.

2. Quand nous nous servons d’une machine qui consomme plus que nécessaire : rouler en SUV électrique noir ne réduit en rien le problème de la consommation énergétique.

3. Quand nous achetons une machine supplémentaire parce que nous gérons mal le parc : pensez au nombre de camions ou engins immobiles, alignés en rang d’oignons, que vous voyez lorsque vous longez un parc industriel ou des chantiers.

Que pouvons-nous faire ? Chacun d’entre nous peut faire preuve de leadership, c’est-à-dire se mettre en avant et chercher des alliés pour :

  • Utiliser la même machine plus longtemps en investissant plus sur sa maintenance
  • Concevoir (et acheter) des machines plus durables, dont on prendra meilleur soin
  • Chercher des machines qui consomment moins de consommables. Je reviens de Norvège où j’ai fait un gemba walk dans une usine qui produit des toilettes par aspiration qui consomment moitié moins d’eau. Ou on peut aussi penser aux karakuri de Cyril Dané qui remplacent l’énergie électrique et hydraulique par de l’énergie humaine (renouvelable) dans les équipements de bords de chaîne.
  • Apprendre à être plus précis sur l’utilisation des équipements, et à mieux planifier les enchainements de planification, pour ne pas doubler les parcs.

Il ne s’agit ici que d’exemples pour susciter une réflexion plus profonde. Le regard lean sur les gaspillages d’énergies non renouvelables nous permet instantanément de sortir de notre sidération et de penser à des exemples concrets où nous aurions pu mieux faire sans limiter ce que nous essayions de faire.

Les ultra-solutions sont pratiques politiquement car elles sont médiatisables et dans l’ensemble tellement difficiles à mettre en place qu’elles occupent le débat sans réel risque de réussir. Dans le meilleur des cas. Dans le pire des cas, les solutions « finales » sont mises en œuvre et on se rend compte tous les jours en lisant la presse que la situation n’a fait qu’empirer.

L’approche lean est radicalement différente. Il vaut mieux investir dans la formation des personnes pour les rendre plus capables que s’écharper sur le bien-fondé de la « bonne » solution. En éduquant au problème et en essayant des contremesures locales, pour aussi humbles qu’elles soient, on peut engager des collectifs dans une compréhension plus profonde de la réalité du problème et éviter l’hystérie du fantasme – il n’y a pas de monstres sous le lit, que des problèmes techniques que nous ne savons pas, à l’heure actuelle, résoudre.

Et surtout, investir dans le développement des gens, c’est donner sa chance à la chance. Certes l’histoire de notre société est celle de l’exploitation des ressources naturelles et des populations colonisées – mais c’est également celle de découvertes inattendues et d’idées géniales complètement imprévues. En partageant les problèmes de gaspillages, en encourageant les contremesures locales et en échangeant largement sur ses dernières, nous n’aboutirons pas à une solution imaginée aujourd’hui, mais nous savons, par expérience, que les choses iront mieux et, en fait, de mieux en mieux. Bonne rentrée !

Michael Ballé

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