On apprend vraiment mieux en résolvant des problèmes

On apprend vraiment mieux en résolvant des problèmes

Nous avons souvent l’impression d’avoir tout juste inventé la gestion de groupes complexes. Nos ancêtres, pensons-nous, vivaient sur une autre planète et ne comprendraient rien à nos problématiques du XXIe siècle.

Une entreprise d’aujourd’hui reste pourtant un regroupement d’êtres humains de différents horizons qui se connaissent à peine mais qui adhérent collectivement à une idée ou une mission, et nous ne sommes ni les premiers ni les derniers à en expérimenter le fonctionnement. La lecture de documents plus anciens nous le prouve.

Sans revenir au questionnement cher à Socrate, qui partait déjà de questions progressives pour en tirer un apprentissage, ou à tout le moins, une clarification de la pensée, il est intéressant de feuilleter le programme Training Within Industry[1] de la Seconde Guerre Mondiale : le TWI Program Development révèle un savoir-faire que nous avons perdu. Il apprenait aux managers à tirer les besoins en formation des problèmes rencontrés en production. Un flux tiré d’apprentissage à partir d’un problème. Cette approche a par la suite été développée dans certaines formations universitaires et appelée le problem-based learning ou apprentissage par problèmes : le but est de travailler sur un problème, de définir à partir de là les besoins en apprentissage (du geste, de la théorie sous-jacente), puis de résoudre le problème. On apprend la théorie à la lumière du problème à résoudre.

Or notre groupe d’humains rassemblé en entreprise du XXIe siècle a constamment besoin de développer son apprentissage : le monde va vite, les technologies changent, des start-ups plus agiles prennent le marché, les supply chains se tendent, le turnover fragilise le savoir acquis, le recrutement est laborieux et les exigences sociétales s’accroissent.

On peut bien sûr tenter l’approche traditionnelle qui consiste à lancer de vastes plans de formation, des parcours d’on-boarding à l’embauche, et asséner de la théorie tous azimuts en espérant qu’elle sera rapidement mise en pratique, parce que la théorie s’oublie dès lors qu’on ne la pratique pas.

Ou on peut s’inspirer du raisonnement apprenant du lean qui consiste à poser des problèmes à résoudre et à favoriser la montée en compétences au travers de cette résolution de problèmes. Voici quelques illustrations de cette approche :

  • Le Jidoka comme révélateur de problèmes à résoudre : l’anomalie au standard est repérée et signalée, qu’il s’agisse d’une machine ou d’un opérateur. Le problème soulevé est analysé, le client protégé, et dès que cela est possible, la cause effective du problème est l’objet d’une contre-mesure.
  • L’A3 comme parcours initiatique : découvrir l’entreprise à l’embauche en résolvant un problème complexe, parrainé par un senior d’un autre département, est une manière très efficace de s’initier au jargon, de collaborer avec d’autres entités, d’observer et comprendre les flux et les gestes associés au problème. Et de développer de l’appétence et un savoir-faire sur la résolution de problèmes.
  • Dantotsu radical quality improvement[2] : l’amélioration radicale de la qualité ou l’art de rapprocher la détection du défaut, de l’endroit où il se crée. Une mise sous tension avec un challenge ambitieux, couplée avec une analyse systématique des points de cause de la non qualité, permettent de réduire massivement ces problèmes. Le défaut est traité non pas en lots imprécis (têtes de pareto) mais systématiquement, à chaque occurrence, afin d’apprendre de chaque élément contextuel.
  • Le point de changement comme cœur de discussion en équipe : qu’il s’agisse du Comex, d’une équipe opérationnelle ou fonctionnelle, d’une communauté de pratiques, les henkaten points, ou points de changement, sont régulièrement exposés aux autres afin de permettre une prise en compte des avis de chacun sur les contre-mesures : nouveau collaborateur, changement de fournisseur, modification de standard, lancement de produit, nouveau matériau ou données / interfaces modifiées, tout est vu comme un problème potentiel et défini comme quelque chose à apprendre en équipe.
  • Le partage de problèmes et de l’apprentissage qui a pu en être tiré (yokoten) : la solution trouvée par une équipe peut être reprise ailleurs, mais le plus intéressant est de partager la problématique initiale et de générer un flux d’idées dans toute l’entreprise, qui s’alimentera d’autres idées et d’autres solutions.
  • Former au geste en Juste-à-Temps : plutôt que de tout apprendre d’un module de l’ERP ou d’un geste technique très spécifique des mois à l’avance, l’entreprise lean cherchera à repérer le besoin sur ces gestes techniques et à former ses collaborateurs en temps et en heure, juste avant le besoin effectif.

L’intérêt immense de cette approche de l’apprentissage par problèmes est triple : les problèmes sont résolus au fil de l’eau, pour le bénéfice des clients et des collaborateurs. Nous comprenons et retenons mieux la théorie au travers de l’expérimentation, donc notre compétence s’accroit réellement. Et nous apprenons à collaborer efficacement sur les problèmes.

Le lean est un modèle apprenant qui s’appuie en permanence sur le problem-based learning. Le contexte est favorable, il nous apporte tout son lot de problèmes avec la reprise post Covid, profitons-en !

Catherine Chabiron

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[1] Ou TWI : programme mis en œuvre pour accélérer la production de guerre en l’absence des hommes partis au front. Comme son nom l’indique, il s’agissait de former les nouveaux opérateurs ou opératrices et les managers à une production maitrisée et fiable, dans un délai court.

[2] The Toyota Way of Dantotsu Radical Quality Improvement de S. Nomura

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