Prendre soin autrement : quand le Lean révèle le potentiel du médico-social

Prendre soin autrement : quand le Lean révèle le potentiel du médico-social

Depuis la création d’ALOÏS en 2014, je m’attache à développer le Lean dans mon entreprise. Notre métier est celui de prestataire d’aide à domicile pour personnes fragilisées par le handicap et par l’âge. Notre équipe d’auxiliaires de vie intervient chez nos bénéficiaires pour les accompagner dans tous les actes de la vie quotidienne. L’entreprise s’est construite petit à petit, avec exigence et humilité. Aujourd’hui, nous sommes 150 collaborateurs. Dès le départ, j’ai été convaincu que la complexité de notre secteur ne devait pas nous éloigner du Lean — au contraire. Il nous fallait des repères solides, un cadre de progrès, une manière d’apprendre ensemble. Le Lean nous a offert cette boussole, en nous ramenant sans cesse à ce qui compte : le réel, le terrain, les personnes.

Le Lean dès la création : le rôle de coordinatrice pensé pour le terrain

Chez ALOÏS, le Lean n’a pas été “introduit” a posteriori. Il est présent depuis la création. Et il s’incarne dès l’origine dans le rôle de coordinatrice : manager de proximité, ancrée au Gemba au plus près des bénéficiaires comme des auxiliaires. Chaque coordinatrice observe les pratiques, soutient les équipes, fait évoluer les standards avec elles, et surtout, réalise une analyse des risques spécifique à chaque bénéficiaire. C’est une approche fine, sensible, profondément humaine, qui fait de la coordinatrice un repère à la fois opérationnel, éthique et organisationnel.

Sécuriser la relation humaine : les EMR

Un moment particulièrement délicat dans notre métier est la première rencontre entre un auxiliaire et un bénéficiaire. C’est souvent là que se joue la réussite d’un accompagnement dans la durée. C’est pourquoi les coordinatrices assurent systématiquement les EMR (entretiens de mise en relation). Elles accueillent, expliquent, mettent en sécurité les professionnels comme les bénéficiaires, transmettent les gestes adaptés, ajustent les attentes et diminuent le stress. Elles forment en situation réelle. Ce rôle est essentiel : il évite les ruptures, renforce la qualité, et crée de la confiance dès le départ.

Job = Work + Kaizen : la réduction des pertes comme routine

Le rôle de la coordinatrice ne se résume pas à faire fonctionner l’existant. Il inclut, explicitement, la réduction des pertes. Chaque semaine, les coordinatrices se retrouvent pour mener des kaizen structurés sur :

– les standards d’intervention (“bien faire le geste”),

– la sectorisation (organisation des équipes pour réduire les temps morts et les tensions),

– l’ajustement des réponses face aux situations nouvelles.

Cette routine est profondément ancrée dans le réel. Elle repose sur l’observation des écarts, l’analyse collective, le test de contre-mesures, et surtout, le partage d’expérience entre coordinatrices.

Travailler avec les RH : casser les silos, apprendre ensemble

Cette dynamique d’amélioration ne reste pas cantonnée à l’équipe terrain. Chaque semaine, les coordinatrices travaillent en lien avec le service RH. Ensemble, ils analysent les problèmes vécus, construisent des réponses organisationnelles alignées sur les besoins réels des professionnels comme des bénéficiaires grâce à l’outil du tableau des 5 colonnes. Cette collaboration étroite casse les silos, renforce la cohérence des décisions, et permet de résoudre ensemble les problèmes à la racine. Elle devient une véritable routine interfonctionnelle d’apprentissage, qui fait progresser l’ensemble de l’organisation.

Prendre en main les plannings : un changement naturel, une réussite collective

Dernière évolution majeure : les coordinatrices ont pris en main la gestion des plannings. Ce n’est pas un simple changement de logiciel ou de procédure. C’est un transfert de responsabilité vers celles qui connaissent le mieux le terrain, les profils des auxiliaires, les contraintes des familles et des bénéficiaires. Résultat : moins d’erreurs, moins d’absences non anticipées, plus de stabilité. Et surtout, un système plus humain, car pensé depuis la réalité du quotidien. Ce changement n’a pas été imposé : il s’est imposé de lui-même, porté par la compétence, la relation de confiance, et l’évidence du Gemba.

Conclusion : le Lean comme levier d’humanité et d’engagement

Chez ALOÏS, le Lean ne se résume ni à des outils, ni à des indicateurs. C’est une culture du réel, une posture d’écoute et d’amélioration. Et cette culture s’exprime pleinement à travers le rôle des coordinatrices. En dix ans, elles ont montré qu’on peut faire du Lean dans un secteur humainement exigeant, avec peu de ressources, sans perdre de vue l’essentiel : accompagner mieux. Elles sont, à leur manière, des sensei du quotidien, et elles nous rappellent que le cœur du Lean, ce n’est pas la performance : c’est la dignité du travail bien fait.

Arnaud Barde, fondateur d’Aloïs

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