Pourquoi courons-nous comme des poules sans tête ?

Pourquoi courons-nous comme des poules sans tête ?

Quand la pression fait vaciller la culture Lean

Le Lean Management, souvent perçu comme un rempart contre le chaos opérationnel, est paradoxalement mis de côté dès qu’une crise survient. Pourquoi, face à la pression, les organisations abandonnent leurs principes Lean pour adopter des comportements désordonnés, comparables à ceux de personnes qui courent comme des poules sans tête ?

Le Lean repose sur des piliers solides : client, juste à temps, jidoka, développement des gens à travers du Gemba, A3, standardisation, amélioration continue. Pourtant, dès qu’un incident survient, ces principes sont souvent suspendus. Pourquoi ?

Si on prend comme exemple une usine agroalimentaire, où un lot contaminé déclenche une situation de crise : on constate très vite, mise en place de réunions toutes les 4 heures, pression sur les équipes pour produire, suspension des standards afin de rattraper.

Mais malheureusement on constate qu’aucune démarche de résolution de problème, aucun Gemba n’ont été réalisés.

Trois jours plus tard, …. un incident similaire survient !!!!

Si l’on tente une analyse des causes profondes, trois facteurs semblent expliquer ce basculement :

  • D’abord, la pression temporelle : analyser semble contre-intuitif quand chaque minute compte, alors qu’un A3 rapide avec le bon questionnement ou un Gemba ciblé sont souvent plus efficaces que l’agitation.
  • Ensuite, la culture du “faire” : dans beaucoup d’entreprises, l’action visible est valorisée, même si elle est désordonnée et peu efficace.
  • Enfin, la peur de l’immobilisme : ne rien faire immédiatement est perçu comme une faute, poussant à “faire quelque chose”, même si cela empire la situation. Résultat : on court comme des poules sans tête, en croyant bien faire.

Ce n’est donc pas le Lean qui échoue, mais sa superficialité d’implantation. Il s’agirait d’une faille culturelle, pas méthodologique. Ainsi, lorsque les outils Lean sont implantés sans transformation profonde, ils s’effondrent sous le stress. L’organisation revient alors à ses anciens réflexes : hiérarchie autoritaire, surcharge, micro-gestion.

Le Lean devient un vernis, incapable de résister à la pression. Dans ces moments, peu de leaders incarnent réellement les principes Lean. Certains cèdent à la panique, d’autres encouragent implicitement des pratiques déviantes (“faites ce que vous pouvez pour que ça tourne”). Et tout le monde finit par courir comme des poules sans tête.

Pour renforcer la résilience Lean, trois leviers semblent essentiels :

  • Simuler la crise : intégrer des scénarios de crise dans le fonctionnement nominal, pour ancrer les bons réflexes (A3 express, Gemba prioritaire, stand-up de crise).
  • Valoriser la méthode, pas l’agitation : reconnaître les équipes qui respectent les standards même sous pression.
  • Maintenir les rituels : adapter les outils Lean à la situation, mais ne jamais les suspendre. Une anomalie doit activer le système Lean, pas le désactiver.

“Une crise = renforcement du Lean”

Conclusion : la maturité Lean se révèle dans la turbulence

Courir comme des poules sans tête ne résout pas les problèmes, cela les multiplie. Le Lean est précisément conçu pour structurer la réponse à l’imprévu. L’abandonner à la première difficulté revient à nier son efficacité. La véritable maturité Lean ne se mesure pas en temps calme, mais dans la capacité à rester méthodique sous pression.

Nathalie Bouyat

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