Voici venu le temps de la résilience et de l’adaptabilité !

Ces deux derniers mois, notre aptitude à nous adapter a rapidement été mise à l’épreuve : nous avons dû apprendre à fonctionner à capacité réduite tout en appliquant de nouvelles règles de sécurité. Alors que certaines organisations ont déjà passé ce premier test avec succès, prouvant leur résilience, d’autres ont toujours du mal. Nous ne sommes pas tous égaux face au changement : tout faire pour s’adapter à la nouvelle réalité, ou attendre un retour à la normale (qui ne viendra probablement pas) ? Pourtant, ceux qui auront fait preuve d’adaptabilité auront plus de chance de sortir de la crise indemne. Le changement est un état d’esprit : « reprenons-nous et continuons quoi qu’il arrive ! ».  C’est l’esprit du Lean. Car nous savons très bien que la prochaine tempête est au coin de la rue, et qu’il vaut mieux s’y préparer.

Ce contraste est particulièrement visible dans l’industrie du numérique où l’on pourrait penser que tout le monde est déjà prêt à travailler à distance et à l’aise dans un monde virtuel. Certaines entreprises éprouvent pourtant de grandes difficultés à coordonner leurs activités et à maintenir un environnement de travail sain, tandis que d’autres voient leurs clients se dérober au fur et à mesure. En revanche, certaines organisations s’en sortent bien mieux. L’Urban Institute est un exemple : ce Think Tank basé à Washington DC, qui effectue des recherches sur la politique économique et sociale, a permis à ses 500 employés de travailler à distance en moins d’une semaine. Khuloud, la VP Tech et Data, attribue leur transition rapide et fluide au fait qu’elle et ses équipes pratiquent le lean depuis cinq ans. Elle raconte que ses équipes ont su très vite et de manière autonome identifier les nouveaux problèmes et trouver des solutions innovantes. Un autre exemple est celui de Proditec, l’un des principaux fabricants français de l’industrie pharmaceutique. Son PDG explique[1] comment l’adoption d’une stratégie lean l’a aidé à traverser cette crise et les précédentes sans y laisser trop de plumes. Dans le monde du digital, il existe aussi plusieurs histoires d’entreprise ayant fait preuve d’adaptabilité et de coopération en réponse à la crise, dont celle-ci : les sociétés de services informatiques Sipios, BAM, et Padok ont construit la plate-forme en ligne de Prêt Garanti par l’État en seulement cinq jours[2], tout en travaillant à domicile.

Alors, comment le lean aide-t-il à rendre ces entreprises et d’autres plus résistantes et adaptables aux nouveaux défis ? Dans les situations d’extrême incertitude, il est crucial de savoir apprendre rapidement. Le TPS, le «Thinking People System», nous offre un cadre  de référence pour apprendre à apprendre :

Créer la valeur pour les clients

La première condition pour renforcer la résilience est de garder les clients pleinement satisfaits et fidèles, quelle que soit la situation. Il est insensé de supposer que les clients ont toujours les mêmes besoins et désirs, même dans des conditions « normales ». Dans des situations normales ET extrêmes, nous devons continuellement nous demander si ce que nous faisons crée vraiment de la valeur pour nos clients. Savons-nous ce qu’ils vivent actuellement ? Savons-nous comment les aider à résoudre leurs nouveaux problèmes ? Que devons-nous apprendre à faire mieux ou différemment pour les soulager de leurs nouveaux maux, et les garder intéressés ?

Livrer la valeur au bon rythme

Un gros problème causé par la crise COVID est la rupture des chaînes d’approvisionnement, ce qui crée des pénuries en tout genre, des équipements médicaux aux produits de grande consommation. La raison invoquée est que nous n’avons pas constitué suffisamment de stocks pour nous préparer à une éventuelle crise. Mais peut-on vraiment prévoir cela des années à l’avance ? Quelle quantité de produits serait suffisante pour être sûr de ne pas en manquer au pire moment ? Combien de temps pourrions-nous conserver ces stocks avant leur obsolescence ? En fait, la véritable raison des problèmes d’approvisionnement est que nous n’avons pas été en mesure de nous adapter à la hausse soudaine de la demande. Livrer la valeur au bon rythme signifie produire ce dont le client a besoin au moment où il en a besoin, et d’ajuster les moyens de production et de livraison lorsque la demande change. C’est une question de flexibilité, pas de prévoyance.

Aider les gens à repérer et résoudre les anomalies

Livrer la valeur au bon rythme exige d’être extrêmement fiables, en réduisant continuellement les incertitudes et le « rework » le plus tôt possible dans la chaîne de valeur. Cela ne marche que si les gens eux-mêmes savent 1) repérer les anomalies dans leur travail, 2) les résoudre seuls dans la plupart des cas, et 3) obtenir une aide immédiate en cas de problème. Cependant, ces trois conditions sont rarement remplies en même temps. Savoir reconnaitre et résoudre un défaut ou ce qui va créer un défaut plus loin dans la chaine requiert expertise et bon jugement, et les deux se travaillent en continu avec les standards de travail et la formation. Obtenir de l’aide quand on est coincé, que l’on a un doute ou que l’on prend du retard requiert la mise en place d’une chaîne d’aide managériale structurée. Au bureau, la solution de simplicité est de poser une question à un collègue, mais on ne se rend pas compte que ces interruptions multiples génèrent encore plus de problèmes (« stop and go », sentiment de ne pas avancer). A la maison, seul devant son ordinateur, on est plus vite bloqué : les collègues ne répondent pas aussi vite car la surcharge cognitive est accrue. Dans les deux environnements, la chaine d’aide doit être mieux définie et maintenue. 

Fournir des espaces pour expérimenter en toute confiance

L’adaptabilité est issue de l’expérimentation continue. Alors que les conditions changent autour de nous, notre capacité à apprendre vite est ce qui nous permet de garder une longueur d’avance. Dans une organisation lean, chaque personne expérimente constamment sur son propre travail, donc le changement ne l’effraie pas. Les managers fournissent un espace où chacun peut tester ses idées, sans crainte d’échouer ou d’être jugé. Pourtant, trop de managers exercent encore une pression constante sur les gens pour livrer à tout prix et surtout ne jamais remettre en question les processus en place. En période difficile, le management de type « command and control » prend généralement le dessus. Mieux vaut au contraire fournir des espaces (temporels et physiques) où les gens sont encouragés à prendre du recul par rapport à leur travail, où ils peuvent expérimenter en toute liberté, et où ils sont soutenus et récompensés pour leurs idées créatives. Le moment venu, ils seront prêts à réagir rapidement, de manière décisive et créative, et cette capacité permettra à l’organisation de surmonter son inertie.

Maintenir des conditions de travail stables et saines

Tout ce qui précède n’est possible que si les gens travaillent dans des conditions stables et saines. Difficile de demander à une personne de signaler les anomalies ou d’expérimenter si ses managers ne prennent pas au sérieux ses problèmes quotidiens. La stabilité est la fondation du TPS car le modèle est bâti sur les notions de respect des personnes et de confiance mutuelle. Les managers ont l’ultime responsabilité de faciliter le travail des équipes en leur fournissant toutes les ressources nécessaires, en les aidant à résoudre les problèmes difficiles et en les laissant modifier leur propre environnement de travail. Dans le contexte actuel, c’est encore plus important car tout le monde a perdu ses repères, et se retrouve à jongler entre vie de famille et travail. Par exemple, Khuloud a remis à chaque employé un budget pour aménager son propre espace de travail à la maison en fonction de ses besoins (ordinateurs, chaises, casque antibruit, etc.).  

Le « Thinking People System », comme son nom l’indique, est un système pour faire réfléchir les gens : réfléchir à leur propre travail et à la manière de livrer plus de valeur pour les clients. C’est ce qui permet à une organisation de créer les conditions de sa propre résilience. Mais encore faut-il que les dirigeants y apportent l’énergie nécessaire : la volonté d’examiner les faits tels qu’ils sont et de donner à leurs équipes l’espace nécessaire pour expérimenter et apporter leurs contributions.

Sandrine Olivencia

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[1] Le dirigeant de Proditec :  https://www.youtube.com/watch?v=YG-_DDN43GM

[2] Conception de l’application PGE en 5 jours :  https://www.padok.fr/blog/pret-garanti-etat-bpifrance

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