Passage de relais entre Lean Leaders

Passage de relais entre Lean Leaders

Cher Gemba Coach,

Comment feriez-vous pour garantir qu’une transformation Lean se poursuit lorsqu’un leader vogue vers d’autres horizons ?

C’est une question que l’on me pose souvent, et qui est corrélée à une autre : pourquoi vous, les gars du Lean, êtes-vous si obsédés par Toyota – n’y a-t-il pas d’autres « Toyota » ? (La question sous-jacente est « le Lean marche-t-il vraiment ? »). Voici la solution : (1) le Lean marche vraiment, (2) c’est fabuleux – vous pouvez rendre performante l’organisation la plus bureaucratique – mais cela ne survit pas au départ du leader. Point à la ligne.

Toutefois, le Lean est absolument durable si le leader suivant connaît également la pensée Lean – mais quelle est la probabilité que cela soit le cas ?

Dans mon expérience, le Lean piloté par le PDG marche toujours, pour peu qu’il ait le soutien d’un Senseï expérimenté. Il peut toutefois arriver que le PDG décide de ne pas poursuivre après une ou deux années à cause des luttes internes que le Lean provoque. Mais une fois que les acteurs clés ont adhéré, je n’ai jamais connu de cas où le Lean n’aboutissait pas à des résultats remarquables, issus de deux évolutions principales, l’une cognitive, l’autre non cognitive :

  • Evolution cognitive: le « temple » du TPS est utilisé pour appréhender l’activité de manière différente, et traiter des problèmes de compétitivité qui n’étaient pas connus auparavant. Le PDCA est utilisé systématiquement pour apprendre à résoudre les problèmes, depuis l’atelier jusqu’au comité de direction.
  • Evolution non cognitive: les patrons vont sur le Gemba pour découvrir avec leurs employés ce que signifie « travailler mieux » dans le contexte actuel, plutôt que de chercher à les faire travailler plus efficacement.

Garder l’historique des succès et des échecs

Je garde la trace des efforts Lean dans lesquels je suis impliqué, notamment dans un esprit de « culture Lean » – plus précisément, dans quelle mesure le PDG met la pratique et la pensée du Lean au cœur de son système de management. Voici à quoi cela ressemble :

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Ce graphique nous montre que la cause principale d’arrêt du Lean est le changement du PDG, du directeur des opérations, ou bien de l’ensemble du management lorsque l’entreprise est vendue.

J’ai eu ma dose de ces désastres où même quand le PDG a réussi à développer une chouette équipe de managers qui comprennent le Lean, son remplaçant vient de l’extérieur c’est toujours ainsi, il n’est jamais issu de l’équipe), ne pige pas le truc, et démolit tout en moins de deux ans. Ce n’est jamais volontaire – dans bien des cas, l’entreprise a été achetée grâce à son système de management Lean – mais simplement il ne pige pas, et prend toutes sortes de décisions qui créent du Mura, induisent du Muri et génèrent du Muda, avec pour résultat un désengagement des adeptes du Lean qui finissent par partir ou être licenciés… et retour à la case départ.

S’ils sont utilisés dans une logique tayloriste/bureaucratique, avec une pression classique sur les résultats trimestriels, les systèmes Lean dégénèrent en général en:

  • Se focalisant sur les processus plutôt que la satisfaction client
  • Des querelles internes de clochers car chacun cherche à résoudre les problèmes selon sa perspective (et le PDG s’associe tantôt à l’un, tantôt à l’autre)
  • Un découragement des gens talentueux à challenger leur patron
  • Une certaine retenue à explorer de nouvelles pistes pour résoudre les problèmes actuels

Le Lean devient alors juste un « système de plus », puis du « faux Lean » si le management ne le pige pas – et cela quel que soit le discours qu’ils affichent.

En tant qu’observateur extérieur, le plus surprenant est de constater à quel point la dégradation des résultats (qui reviennent également au point de départ) est expliquée par une longue liste d’excuses classiques, auxquelles ni les actionnaires ni le corporate (là non plus, pas une seule fois) ne réagissent.

Le Senseï disparaît

Pourquoi seulement chez Toyota? Ce n’est pas que le Lean ne marche pas – ça marche. Toyota est la seule entreprise que je connaisse où chaque PDG qui part à la retraite reste membre du conseil d’administration. Toyota n’a certainement pas eu que des PDG adeptes de la pensée Lean, mais les experts disent que c’est au moins 5une fois sur deux, ce qui est largement suffisant pour garder l’esprit Kaizen actif au sein de l’entreprise, et conserver une certaine masse critique d’adeptes de la pensée Lean. Ce qui n’empêche pas Toyota d’avoir également des difficultés…

Les Senseïs de la première génération étaient de vrais originaux – des gens pas faciles à vivre qui n’hésitaient pas à se distinguer, faire entendre leur voix, et être intransigeants, tout en étant suffisamment avisés pour gérer également l’aspect politique de leur rôle. Ils avaient également une connaissance fine du marché de l’automobile, de la construction automobile, et des relations entre les deux. La première et la deuxième génération de Senseïs sont en train de disparaître et bien que Toyota ait certainement de nombreux managers qui comprennent bien les dimensions cognitives du Lean, l’entreprise a apparemment autant de difficultés avec l’attitude Lean non cognitive que n’importe quelle autre entreprise (Akio Toyoda, le PDG actuel, travaille là-dessus – et le temps nous dira s’il a réussi)

Je me rends compte que l’ironie est la force qui mène l’univers, et que les douces illusions sont le carburant de bien des initiatives humaines. Je comprends bien la quête d’un modèle Lean « durable ». Mais gardez bien en tête que rechercher un modèle mécanique qui fonctionne au-delà du leader actuel est plus le fruit d’une pensée bureaucratique/tayloriste que d’une réflexion Lean. Il y a des entreprises dirigées par des managers Lean, il n’existe pas d’entreprise « Lean ». Tant que nous n’aurons pas trouvé comment passer le témoin d’un leader Lean au suivant, cette question restera sans réponse. Le Lean n’est pas un système de management (vous avez besoin du système de management pour pratiquer le Lean, mais c’est l’échafaudage, pas le cœur de l’activité). Le Lean est dans la profondeur de notre compréhension du TPS et l’énergie que nous mettons à travailler avec les employés qui font la valeur ajoutée.

Traduit de l’américain par François Lopez. Téléchargez le pdf.

Source du document: http://www.lean.org/balle/DisplayObject.cfm?o=3254

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