Lean Leadership

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Le Lean management pour faire du changement progressif un mode de vie

Le leadership veut dire amener les autres à changer

Quand le puits est à sec, c’est le rôle du chef que d’emmener la tribu à un nouveau point d’eau. Ce qui implique de convaincre le groupe de la nécessité de changer (l’eau ne va pas réapparaître par miracle), d’avoir une idée précise de la direction dans laquelle marcher, d’encourager ses alliés à convaincre les autres et de gérer ceux qui préféreraient mourir de soif plutôt que de quitter le puits familier.
Les dirigeants actuels sont souvent confrontés à des situations similaires : une situation stable, familière mais de moins en moins profitable doit être abandonnée au profit d’une nouvelle position (qu’il s’agisse de marchés, de technologies ou d’organisation).
Le Leadership est souvent considéré comme un talent spécial, une détermination extraordinaire dont font preuve quelques individus hors du commun, visionnaires et certains des changements à faire. Ils s‘entourent de cadres dévoués qui mènent le changement qui l’exécutent en donnant des ordres et en gérant peu ou prou les récalcitrants, en ignorant leurs objections ou en les poussant vers la sortie.
Ce type de leadership cherche à passer d’une situation stable et profitable à une autre situation stable mais encore plus profitable. Le changement s’effectue par réorganisation, reconquête, restructuration, re-engineering etc. C’est un changement « tout ou rien », « marche ou crève » et par conséquent, son exécution s’exprime en termes de « gestion du changement » et « résistance au changement ».
Malheureusement, cette approche produit rarement les effets escomptés. A part quelques succès très rares et très visibles comme celui de Jack Welch à GE qui a laissé 30 % des employés sur le carreau lorsque l’entreprise a quitté le secteur de l’industrie pour entrer dans le monde de la finance (ce qui a porté ses fruits d’un point de vue financier), les programmes de restructuration sont rarement des succès.
Premièrement, la restructuration elle-même crée de telles frictions internes que les employés sont démotivés voire démoralisés, et du coup l’entreprise perd du terrain sur ses marchés (quant à la rentabilité, non seulement les ventes se dégradent mais il faut supporter les coûts réels du programme de transformation). Deuxièmement, la terre promise tarde à apparaitre. Pour beaucoup de gens dans l’organisation, l’échec était programmé mais leur avis n’a pas été écouté et maintenant ils doivent vivre avec les conséquences, ce qui est difficile à avaler et rend les revers encore plus difficiles à accepter. Pour travailler avec des adultes, on ne peut en rien ignorer leur expérience. Il faut savoir prendre en compte leurs opinions, que les conclusions des uns et des autres soit justes ou erronées.
A minima, le respect signifie faire de son mieux pour écouter l’avis des autres et prendre en compte leur expérience.
En général, le respect n’est pas simple pour les leaders car il exige 1/ d’accepter de ne pas être omniscient 2/ d’écouter les voix discordantes. Les leaders sont facilement tentés d’ignorer les deux pour préserver la confiance du groupe dans leur vision et faire accepter les sacrifices nécessaires. L’histoire est pleine d’exemples où les leaders ont ignoré les signaux d’alerte visibles et mené leur peuple au désastre. Les conséquences ne sont plus aussi graves aujourd’hui mais un mécanisme similaire est à l’œuvre dans beaucoup d’organisations. Jon Maner et Charleen Case l’ont montré : les leaders peuvent être tentés de rabaisser et d’isoler les individus à haut potentiel pour protéger leur pouvoir et leur position.

En quoi le Lean management est-il différent ?

L’objectif du Lean management est de passer d’un changement ponctuel, du tout ou rien à un changement incrémental, continu. Le leader Lean ne cherche plus à réussir un changement majeur, mais à apprendre à l’organisation à changer en permanence. Le changement est naturel, logique et progressif. Trêve de grande vision d’où l’on veut aller mais des efforts constants pour s’améliorer et apprendre.
Cette approche du changement commence par le respect de l’expérience des collaborateurs car pour que les gens acceptent de changer et d’apprendre, ils doivent voir des preuves que leur expérience est reconnue et prise en compte. Par conséquent, le changement Lean se construit sur l’implication de chacun dans l’auto-amélioration. Les racines du Lean remontent à la découverte par Sakichi Toyoda à la fin du 19e siècle, du livre Self Help de Samuel Smiles et du partage de la croyance que toute grande réussite repose sur la volonté individuelle de chercher à améliorer la situation actuelle.
En pratique, un processus de changement s’appuie en premier sur la formation aux standards, la pratique dans les dojos et l’apprentissage par la résolution de problèmes au quotidien afin de mieux comprendre son rôle dans des circonstances variées et uniques. Par la pratique du kaizen, chacun essaie de nouvelles pratiques en permanence. Le leader est là pour encourager chaque personne à sortir de sa zone de confort petit à petit chaque jour, d’apprendre plus et de formuler des suggestions.
Commençons à construire la pyramide du leadership et du respect. En s’appuyant sur l’engagement individuel dans l’amélioration et l’apprentissage, le second niveau de la pyramide est le travail en équipe et l’apprentissage du « mieux travailler ensemble ». L’équipe y parvient en pratiquant le kaizen ensemble, quand elle identifie le potentiel d’amélioration, étudie ses propres méthodes de travail, apporte des nouvelles idées, les teste, évalue la nouvelle méthode, et la met en œuvre. Quand les équipes sont encouragées, soutenues et autorisées à améliorer leur propre travail, la capacité de l’entreprise à changer s’en trouve grandement améliorée. Et dès lors que l’on se concentre sur la mesure de l’amélioration, on minimise le risque de rechercher le changement pour le changement. C’est cette pratique permanente du kaizen au niveau de l’équipe qui rend l’entreprise agile.

A l’étage au-dessus, chaque responsable de département doit faire preuve de leadership pratique : changer pas à pas. Le changement pas à pas est la clé de l’évolution et de l’apprentissage. C’est de cette façon que l’entreprise apprend à s’adapter et à apprendre du changement. L’idéologie cède la place à la pensée scientifique dès lors que les changements sont pesés, mis en œuvre, évalués ou repensés avant d’envisager l’étape suivante. Concrètement, chaque responsable de département va devoir être clair sur :
• Le changement en cours à l’échelle du département : du avant à l’après et les impacts attendus.
• Les problèmes qui demeurent des changement engagés précédemment et les raisons de ces problèmes en suspens
• Le changement suivant envisagé : quel problème faut-il résoudre et quelles contre-mesures sont testées.

Le sommet de la pyramide est le changement à l’échelle de l’entreprise, la « transformation ». Plutôt que d’imaginer une destination, le leader Lean (qui s’appuie sur ses observations du changement progressif sur le terrain) développe une meilleure compréhension de l’amélioration au niveau du produit (du point de vue de l’usage client, donc hardware, software et service en conjonction) et des procédés techniques pour tirer l’entreprise vers ses clients, pour améliorer la valeur et réduire les gaspillages de façon à atteindre une profitabilité durable grâce à la recherche permanente du mieux.

Cela exige, pour le leader, de se concentrer sur le les fondamentaux plutôt que de réagir tactiquement aux événements et de rechercher les personnes qui vont construire le système d’apprentissage nécessaire pour apprendre comment changer à l’échelle de l’entreprise. Comme Taiichi Ohno et le Toyota Production System ont contribué à l’approche industrielle de Toyota, Kenya Nakamura a créé le système de l’ingénieur en chef dans la fonction développement produit de l’entreprise, ou Shotaro Kamiya (connu sous le nom de « dieu des ventes ») a créé le système de ventes. Il ne s’agit pas là de systèmes opérationnels mais de systèmes d’apprentissage qui évoluent de façon organique afin d’aider l’entreprise à croître et à se développer de manière continue.
Un fort leadership est nécessaire car il est la source de l’énergie requise pour maintenir l’effort de Kaizen à tous les niveaux de l’entreprise. Le discernement est également essentiel pour savoir distinguer ce que les clients veulent vraiment et continuer à avancer. Par exemple, après s’être concentré sur l’amélioration de la qualité, la variété et les coûts, Toyota a ajouté la performance énergétique à la liste des critères de son succès futur et a misé l’entreprise sur sa capacité à produire les voitures les plus propres du marché.
Le leadership Lean est respectueux car il s’appuie sur la reconnaissance de la valeur de l’expérience de chaque employé et cherche à développer l’autonomie des gens dans leur travail par la formation, la participation au Kaizen, la transformation pas à pas de leur département et l’implication de tous dans le voyage Lean de l’entreprise.

Le Leadership Lean n’impose pas le changement à la carotte et au bâton.

Il tire le changement permanent pour aider l’entreprise à s’adapter à des circonstances nouvelles sans abandonner ce qui est connu et qui fonctionne. Pas besoin de restructuration, de licenciements massifs, juste du changement continu, pas à pas.
Respectueux ne veut pas dire faible. Ni lent. Etre respectueux signifie s’engager à favoriser le développement des individus et en faire le fondement même du processus de changement. Avec le Lean management, le changement est forcément impulsé par le sommet, pas un exercice « bottom-up ». L’inspiration et l’énergie doivent être insufflées par les dirigeants aux équipes qui créent la valeur. Mais les opinions ne sont pas imposées à la base. Le rôle du patron est de regarder chaque effort de Kaizen et d’apprendre de ces efforts. De demander à chaque responsable de département de proposer le changement suivant et d’en discuter avec eux. Le patron détermine la priorité mais les étapes spécifiques sont tirées par l’expérience collective et individuelle à chaque niveau.
L’équilibre du Kaizen (améliorer la performance chaque jour) et du respect (prendre en compte l’expérience des gens et leur développement) fait tourner le moteur propre à l’entreprise Lean, que le leader dirige et soutient pour que le changement progressif ne soit pas ponctuel mais soit un véritable mode de vie. Ceci au 21e siècle est la véritable – et seule – source possible d’une compétitivité durable.
Michael Ballé

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